Rien que des mots
Une belle paire de claques dans le dos la gueule. Deux phrases qui fouettent l'air, touchent leur cible, et résonnent encore longtemps après dans la chambre froide noire.
C'est là que j'admets que les mots peuvent être réellement pires que les coups. Pour avoir connu les deux, et avoir été persuadée durant très longtemps que les premiers n'arriveraient jamais à la violence des seconds, je peux affirmer que ces deux phrases, ces quelques mots assénés de manière faussement innocente, ont radicalement changé ma façon de voir les choses. Ces phrases ont fait bien plus de ravages que tous les poings que j'ai pris dans le ventre ou dans les gencives. Parce que les hématomes finissent par disparaître. Parce qu'on ne garde pas toute sa vie la position foetale que le corps adopte instinctivement en gisant sur le parquet. Parce que la brûlure dans le bas du ventre s'estompe sous la douche trop chaude, sous laquelle on reste et se frotte trop longtemps. Parce que le goût âcre du sang dans la bouche se mélange au goût suave du vin. Tandis que les mots, eux, sont imprimés, en négatif, dans une partie de mon cerveau. Message subliminal.
Je pourrais presque dire tatoués. Car il s'agit véritablement de cela : une impression indélébile, la transposition de paroles en lettres noires sur blanc. Les mots continuent leur travail de destruction, lentement, méticuleusement, et chaque jour un peu plus. Bombe à retardement.
Bande-son : "Everyone alive wants answers" de Colleen
(photographie : Abandoned places)